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Kpondoho Fossou LAWSON-HETCHELY : Il faut que les jeunes arrêtent de faire ce que tout le monde fait !

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Kpondoho Fossou LAWSON-HETCHELY
Kpondoho Fossou LAWSON-HETCHELY

S’il fallait dresser la liste des métiers les moins connus des Togolais, celui de métrologue arriverait parmi les premiers. Pourtant, son importance n’est pas moindre. En guise d’illustration, comment arrivons-nous à nous rassurer que le volume du carburant servi dans les stations-service A et B est le même pour un même prix payé ? En termes de métrologie, les marchés africains traditionnels manquent de fiabilité en ce qui concerne les bols utilisés pour vendre les céréales. Chacun y va de son humeur, mais le prix payé par le consommateur ne souffre d’aucune saute d’humeur.

Deux situations qui démontrent l’importance de la justesse et de la conformité qui devraient constituer le soubassement des échanges interhumains.

Bien que le métier n’ait pas pignon sur rue, le Togo dispose de métrologues. La profession exige précision et méticulosité. Le professionnel peut aussi bien intervenir dans l’industrie, dans le respect de la législation d’un État ou en laboratoire.

L’un des experts les plus connus en la matière dans la sous-région est le Togolais Kpondoho Fossou LAWSON-HETCHELY, qui exerce depuis plus de vingt ans dans le domaine et qui s’y connait. Fondateur et Directeur Général du cabinet NDT & Quality Expertises (NQE) Sarl, spécialisé dans l’expertise technique, d’inspection, du Contrôle Non Destructif, de la formation, de la certification, de la métrologie, de la révision des roues, freins et organes hydrauliques, du conseil qualité et de l’audit règlementaire dans les secteurs de l’ingénierie et de l’aéronautique.

Pour découvrir davantage cette profession, le magazine Lfrii l’entreprenant a rencontré M. LAWSON-HETCHELY.

Lfrii l’entreprenant : En termes simples, M. LAWSON-HETCHELY, qui est ce professionnel appelé Métrologue ?

Kpondoho Fossou LAWSON-HETCHELY : « Avant de répondre à cette question, il faut d’abord savoir que la métrologie constitue l’un des cinq piliers de ce qu’on appelle les Infrastructures de la Qualité. Elles exigent des données fiables pour la prise de bonnes décisions, en évitant les incertitudes liées aux informations reçues.

Le premier est la norme ; elle exprime le consensus internationalement accepté. Le deuxième qui est la métrologie est l’objet de notre entretien. Le troisième, l’essai/analyse qui peut être physico-chimique, Contrôle Destructif (torsade du fer, cisaillement, choc…),  Contrôle Non Destructif  (champ magnétique, l’ultrason pour vérifier l’intégralité d’un corps).  Le quatrième est la conformité, c’est-à-dire,  quel que soit l’endroit, le résultat doit être conforme. Le cinquième est l’accréditation qui vient quand on sait que les résultats qui sortent de l’entreprise répondent aux normes, à travers des essais qui sont convaincants et sont conformes à ce qui se fait sur le plan international.

Revenant à votre question, je dirai simplement que le métrologue est un professionnel qui maîtrise les techniques de mesurage et qui sait traiter les incertitudes liées aux mesures. »

LE : Quels sont les domaines d’application de la métrologie ?

KLH. : « La métrologie s’applique dans tous les domaines, de la géographie à l’aéronautique en passant par l’agroalimentaire et la santé. C’est une science transversale. Elle est au centre de la vie. Quand le matin, vous vous réveillez et vous planifiez que vous mettrez 10 minutes pour vous rendre à l’école, c’est déjà de la métrologie que vous faites. Le boucher qui pèse sa viande au marché avant de vous la vendre, c’est de la métrologie, qu’il fait. »

LE : Prenons l’exemple de l’aéronautique dans lequel vous êtes spécialisé. Comment la métrologie intervient ?

KLH : « Un avion quitte un point A pour un point B. Même avant le départ au point A, on sait exactement à quelle heure l’avion arrivera au point B. C’est de la métrologie. On connait la vitesse que prend  l’avion pour faire la montée, ensuite, il sera en croisière, puis la descente à partir des instruments qui nous permettent d’avoir la précision en dessous du millionième près. L’avion connait les coordonnées en longitude et latitude du point B. Ces coordonnées sont mises dans la machine. Elle peut corriger les erreurs qui peuvent s’y trouver et vous amène où vous  voudriez aller.

En aéronautique, les équipements sont conçus en sorte que lorsqu’on vole, qu’on connaisse la vitesse, l’altitude, la pression et la température extérieures, des paramètres qui permettent de connaitre l’évolution du moteur et le comportement de l’avion.

Pour annoncer une zone de turbulences, il y a des radars qui localisent les zones où le vent est non stable et qui mesurent la distance entre la zone et l’avion. On connait la vitesse de l’avion et la distance, on saura donc que dans tel nombre de minutes, on rencontrera une zone de turbulences. La métrologie est au quotidien dans l’aviation.

Les organes qu’on sort comme les volets et les trains d’atterrissage au cours du vol, vu que l’avion va à plus de 800 km/h, il leur faut une certaine force pour résister. Après des calculs, il y a eu des valeurs exactes sur lesquelles sont mises des tolérancements pour éviter des casses.

Toutes ces données et précisions sont obtenues à partir des calculs qui sont vérifiés chaque instant et testés par le métrologue afin que l’avion reste le moyen le plus sûr pour se déplacer. »

Kpondoho Fossou LAWSON-HETCHELY
Kpondoho Fossou LAWSON-HETCHELY

LE : Quels sont les prérequis pour être un métrologue ?

KLH : « La métrologie est vaste ; pour la faire, il faut avoir des bases en calcul, en mathématiques, en sciences. Le reste, on peut l’acquérir à partir des formations modulaires. Mais si le candidat ne sait pas comment utiliser des formules dérivées, ce serait difficile. Le cas échéant, il sera un technicien ou un exécutant sous supervision. Parce qu’elle fait appel aux statistiques et aux probabilités.

Le métrologue ne fait pas que de la mesure, il doit aussi regarder la tolérance liée à l’appareil de mesure. Donc il faut avoir une base scientifique et si possible professionnelle, telle que les diplômés de l’ENSI, de la FDS ; un BAC série C, E, F, ou T, ou même un BTS en Génie mécanique ou Génie électrique. »

 

LE : La métrologie est-elle une profession d’avenir ?

KLH : « Le métier de métrologue n’a pas seulement de l’avenir, mais il s’imposera à nous si nous voulons véritablement être parmi des Etats développés. C’est pourquoi nous cherchons des partenariats avec certaines écoles, y compris les universités publiques pour qu’on y puisse introduire des modules de métrologie. »

LE : Où faire la formation en Afrique occidentale francophone ?

KLH : « En ce qui concerne la formation précisément, il n’y a pas de cursus consacré au Togo. Nous avions en tant qu’expert, auprès de l’UEMOA, mis en place une Commission de développement de stratégie du cursus en métrologie. Nous avions fait un appel à candidature pour les universités et Centres de formation et c’est l’Institut Polytechnique National de Yamoussoukro  qui a été retenu par l’UEMOA.

Un Master s’y fait en partenariat avec une université européenne et les étudiants de la sous-région y vont pour sortir nantis d’un Master en métrologie.

Mais il faut savoir qu’on ne peut se lever et dire que ‘’Je ne fais que de la métrologie’’. Il faut avoir une profession qui tire sur la science avant de faire la spécialisation. Je suis expert en aéronautique avant de faire en complément la métrologie. On ne peut pas se lever dire que : « ‘’ Je ne fais que mesurer’’. Cela n’existe pas. »

LE : Un message pour les jeunes qui pourraient s’intéresser à cette profession ?

KLH : « Mon message à l’endroit des jeunes ne se centrerait pas uniquement sur la métrologie. Il faut que nous arrêtions de faire ce que tout le monde fait, et faire ce que la plupart ne peuvent pas faire. On cherche des professionnels dans certains domaines, que nous ne retrouvons pas.

En matière d’industrie, nous venons d’avoir une solution nationale qu’est le Centre de formation aux  métiers de l’Industrie (CFMI) où on retrouve à peu près ce dont on a besoin pour faire de la métrologie. Mais il faut que la vraie réforme soit exigée par les apprenants par rapport à la qualité de l’enseignement, l’évaluation des enseignants dans les normes internationales pour que nous puissions avoir des têtes bien pleines et des têtes bien faites.

Le Togo n’a pas beaucoup de moyens, donc si les étudiants veulent faire des recherches, il serait mieux qu’ils se concentrent davantage sur des recherches appliquées qui puissent permettre la productivité, la transformation et la conservation.

Il faut que nous pensions à des structures industrielles qui feront la transition entre les cultivateurs, la consommation, le stockage et la commercialisation. Or, on ne peut commercialiser un produit que s’il est bien présentable et inspire de la confiance. Et pour mériter cette confiance, le produit doit être passé par un système de qualité systématisée et cela passe par la métrologie et les Infrastructures de la Qualité. »